Le retour du Maroc au sein de l’UA

Louis Michel, Member of the European Parliament, Group of the Alliance of Liberals and Democrats for Europe

Le retour du Maroc dans le giron de l’Union Africaine est un acte historique, une victoire diplomatique et un succès politique. Une large majorité de Chefs d’Etats (39 sur 54) se sont exprimés en ce sens.

L’enjeu de ce retour est multiple. Il s’agit d’abord de gérer la délicate question de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), membre de l’UA depuis 1982. La politique de la chaise vide pratiquée par Rabat depuis 1984 n’a pas porté ses fruits, voire l’a pénalisée. En ne mettant plus de prérequis à son retour au sein de l’UA (càd choisir en le Maroc ou la RASD), le Maroc a décidé d’adopter une attitude pragmatique, qui pourrait, à terme mener à une sortie honorable et acceptable pour les deux parties, et ce d’autant plus que la présidence de l’UA comme celle de la Commission de l’UA ont changé (avec Alpha Condé à la Présidence de l’Organisation et de Moussa Faki Mahamat à la tête de la Commission), tout comme le contexte géopolitique.

Face à l’isolationnisme marqué de Donald Trump, qui se traduira par une diminution de l’aide américaine, l’UA doit resserrer ses rangs. Avec le retour du Maroc en son sein, c’est la sixième puissance économique du continent qu’elle accueille et qui lui sera d’une aide significative dans la mise en place d’une politique d’autofinancement (par le biais d’une taxe de 0,2% sur les importations) devenue impérative. Il faut souligner que l’UA dépendait jusqu’au dernier sommet de Kigali à 73% de donateurs extérieurs dont l’UE, les USA, la BM et la Chine.

Pour le Royaume chérifien, puissance économique et diplomatique en Afrique, ce retour lui permet de se positionner dans le processus de transformation actuellement en cours sur le continent, pour la mise en place d’une gouvernance éthique et politique de haut niveau au service de l’ensemble des Africains, afin d’aborder entre Africains les questions du terrorisme, de la sécurité, de la gestion des ressources naturelles, du climat, de développement durable, de la migration, du double mandats, de la démocratie et d’assurer une médiation constructive avec le Burundi, le Soudan du Sud, le Gabon, la RDC, etc. Il est incontournable pour un pays qui veut peser sur l’état du monde et qui multiplie les contacts avec la Russie, la Chine, l’Inde, etc d’être un membre officiel de l’UA, organisation régionale, présente et respectée sur la scène internationale. Son nouveau statut l’aidera également dans ses relations tendues avec l’Algérie et l’Afrique du Sud, poids-lourds de l’UA, qui ne se sont pas ouvertement opposées à son retour.

Avec le Maroc comme 55ème membres, le poids du continent africain sur la scène internationale sera renforcé. La présence de l’Etat chérifien au sein de l’UA augmentera de manière significative la voix de l’organisation dans les grands enjeux économiques mondiaux et la qualité de la coopération entre les différents états membres, qui pourront pleinement profiter de leurs complémentarités, des spécificités développées par chacun pour progresser ensemble. Les récents et nombreux accords commerciaux conclus entre Rabat et l’Afrique subsaharienne, comme le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, etc semblent déjà confirmer cette tendance et démontre la volonté du Maroc à s’investir dans une politique continentale sur le long terme en s’intéressant à toutes les régions de l’Afrique. De même, avec la réintégration du Maroc, partenaire essentiel de l’UE, au sein de l’UA, le partenariat UE-Afrique s’en trouvera renforcé.

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